Il y a exactement 1 an, le 19 septembre 2023, je prenais un vol Nice – Tel Aviv.

C’était mon huitième voyage depuis 2010.

Ma destination est à chaque fois Bethléem, au cœur de la Cisjordanie, en Palestine.

Cette fois-ci j’y vais pour organiser le premier Marathon Photographique de Bethléem avec l’Alliance Française, Alrowwad Center et la municipalité. Il est prévu pour le 6 octobre.

Je ne savais pas encore, que ce jour serait le dernier avant une situation encore pire.

Pire que les humiliations quotidiennes, les blocages, les pénuries, le sentiment profond d’injustice, les terres volées tous les jours.

Naïvement, je me disais que ça ne pouvait pas être pire.

Quelques jours avant mon départ, je publiais ce texte sur un réseau social :

« Dans quelques jours je retourne à Bethléem.

Quand je vais en Belgique ou en Grande Bretagne on me demande si mon voyage s’est bien passé, ce que j’ai visité. Certains me parlent des lieux qu’ils ont exploré eux-mêmes dans les mêmes pays. On me demande rarement si je me sens plus proche des néerlandophones ou des francophones. Quand je rentre d’Édimbourg, personne ne veut connaître ma position sur la question des écossais au Royaume-Uni ou sur les fractures profondes entre protestants et catholiques. Ce qui est tout à fait normal.

Quand je pars pour la Palestine, j’ai toujours la même question : « Pourquoi tu vas là-bas ? ». On attend une justification, une explication. Je devine, qu’en réalité on veut connaître mon opinion sur la situation. Sonder mon éventuel antisémitisme ou mon islamo-gauchisme potentiel.

Vient également et à chaque fois, la question de la sécurité. Bien que j’y aille régulièrement depuis bientôt 15 ans, on n’écoute guère ma réponse, chacun préférant exposer ses idées arrêtées et construites sans jamais avoir mis les pieds en Palestine et les certitudes de mon interlocuteur l’emporte sur mon témoignage.

Parfois il y en a qui sont allés en Israël et prétendent mieux connaître la situation du côté palestinien grâce aux explications de leurs connaissances qui vivent à Tel-Aviv, Haïfa ou Jérusalem, car « eux au-moins savent de quoi ils parlent ».  Même si leurs amis n’ont jamais franchi la ligne verte que pour aller voir des amis installés dans des colonies en Cisjordanie.

Et n’ont jamais posé un pied à côté de celui d’un Palestinien de Palestine en secteur A. Sans aucune présence de l’armée israélienne.

Mais en réalité mon opinion sur la situation n’a aucune importance. Pas plus que celle des autres. Ce n’est pas cela qui va changer quoi que ce soit de ce qu’il se passe entre les israéliens et les palestiniens.

Mais j’ai la conviction qu’un témoignage de l’intérieur peut changer notre vision des Palestiniens et par voie de conséquence, de celle des Israéliens. La vision, n’est pas une opinion. Une vision c’est voir, regarder, accorder un intérêt. Prendre le temps. Loin des actualités basées uniquement sur l’émotion et le sensationnel. C’est sortir de l’indifférence.

Une vision n’est pas clivante, une opinion oui. La complexité d’une vision éloigne de la caricature qu’engendre une opinion. La vision permet de poser une réflexion poussée et profonde. En quelque sorte une forme d’extrémisme de la réflexion pour aboutir à une modération de sa position, de son opinion. Je suis convaincu que les extrémistes de l’opinion, sont des modérés de la réflexion et de l’analyse… Qu’ils camouflent leur vide intérieur par une position tonitruante et simpliste. »

Aujourd’hui, le 19 septembre 2024 je ne regarde plus aucun média de masse. Les choses qui y sont véhiculées sont hallucinantes. Une vérité est inculquée en permanence, une vérité qui éloigne de la réalité factuelle des choses.

C’est la vérité du fric. Celui qui autorise à persécuter une population pour défendre « nos » intérêts matériels.

Qui autorise à annoncer n’importe quoi du moment que ça fait le buzz. Car le buzz enrichit celui qui le lance.

Aucune position intelligente, censée, incertaine ne rapporte d’argent !

Laisser un peuple s’autodéterminer ne rapporte que dalle.

En 2023 je suis rentré en Europe le 15 octobre grâce à un avion militaire belge.

En 2024 je vais publier régulièrement des textes qui se mettront en miroir avec mon voyage de l’année dernière.

 

Voir sur le Club de Mediapart :

https://blogs.mediapart.fr/olivierbaudoin/blog/190924/bethleem-un-plus-tard

2010

Premier voyage à Bethléem en Cisjordanie, qui est une partie de la Palestine. C'est sur un projet de la compagnie Sîn que j'y suis allé. Depuis, j'y voyage régulièrement.  Les photos faites cette année n'avaient pas de but précis, je découvrais la situation et le pays.

2011

Avec la compagnie Sîn, nous avions le projet de créer une pièce de théâtre qui s'est jouée en France en 2012 et 2013. Les photos faites cette année étaient plus orientées sur la question de l'identité. Question centrale dans cette zone du monde.

2014

Premier voyage seul. L'envie de regarder avec mes yeux, sans devoir écouter d'autres voix que la mienne.

J'avais quelques rouleaux de pellicules noir & blanc, un Bessa R, un 50 mm et un 35 mm.

2015

J'avais organisé des ateliers photo et Super 8 avec des jeunes du camp de réfugiés d'Aïda. Une exposition des photos des Palestiniens pendant le 7Off et une projection au cinéma Mercury à Nice ont été réalisées à mon retour. En parallèle j'ai fait des photos numériques avec un Leica M9, un 50 mm, un 35 mm et un 17 mm. Je pense que c'est au cours de ce voyage qu'a commencé à émerger l'idée d'écrire un livre. 

2016

Là, j'avais dans l'idée d'avancer concrètement sur le projet de livre. À la suite d'un texte écrit en 2014 où j'avais raconté mon ascension entre la mer Morte (altitude négative - 400 m) et Bethléem (altitude 750 m) dans lequel j'avais utilisé cette expression. Je me suis dit que c'était la meilleure attitude à adopter : Être au-dessus du niveau de l'amer. Pour ne pas me concentrer sur autre chose que mon projet, je suis venu avec deux boîtiers argentiques moyen format.

2020

J'ai profité de la période 2017-2019 pour écrire mon livre. En 2020, mon ambition était de faire un épilogue photographique sur place. C'est avec deux de mes enfants que je suis allé m'installer à Bethléem le 1er mars. C'était sans compter sur le démarrage d'une célèbre pandémie mondiale. Les premières photos sont en couleur. J'utilisais des films diapositifs 24X36. Nous avons dû quitter en urgence la Cisjordanie où j'ai oublié mes films. Arrivés à Jérusalem j'ai acheté des films N&B et poursuivi quelques jours les prises de vue. Le 17 mars, le confinement commençait en France, j'ai pris le dernier avion qui quittait le sol israélien en direction de la France. 

2023

Cette fois-ci j'ai pu faire ce qui était prévu en 2020, finir le livre. Après une première pré-édition basée sur du crowdfunding avant mon départ, la première version qui contient déjà 330 pages est en cours de finalisation pour l'édition réelle.